Les lauréats, les parents d’élèves ainsi que les acteurs du système éducatif boivent du petit-lait depuis la proclamation des résultats du baccalauréat. Le taux d’admissibilité inédit de plus de 73% témoigne de la qualité qui caractérise désormais le fonctionnement de l’école béninoise. On se rappelle que ce secteur était l’enfant malade de la démocratie par les problèmes structurels et organiques qui la caractérisaient, avec des crises qui affectaient gravement la prestation des enseignants et le rendement des apprenants. La décennie précédente illustre bien les ravages de ces maladies chroniques. En 2013-2014, le taux de succès au baccalauréat était seulement de 23% et culminait à 41% en 2016. On comprend donc que les réformes qui ont mis fin aux grèves cycliques et conduit à l’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants, aient pu créer des conditions favorables aux résultats qui provoquent l’euphorie aujourd’hui. Mais l’euphorie sera de courte durée, au regard de l’avenir totalement incertain et quasiment hypothéqué de nos milliers de nouveaux bacheliers. Car tel que conçu, le système semble être formaté pour se déconnecter une fois l’étape du baccalauréat franchi, n’offrant que de fades à des jeunes qui, contre leur gré, reçoivent des formations sociales classiques avec, pour toute perspective, une employabilité aléatoire.
Que vont-ils devenir?
Que vont devenir ces jeunes gens pleins d’espoirs qui rêvent en couleurs d’un avenir radieux? Bien malin qui pourrait y répondre. Le fait est que déjà, même dans les résultats enthousiasmants de la promotion 2025, on sent une réelle disparité entre les séries. Si le nombre de candidats dans la série C par exemple a doublé en passant de 4.027 en 2021 à 8.178 inscrits en 2025 dont 2.740 admis, on se doute bien que les 30.606 futurs étudiants admis en série D ne changeront pas la tendance des nouveaux bacheliers à s’inscrire massivement pour étudier les sciences sociales, principalement les sciences juridiques. Et encore! C’est pour échouer lamentablement et massivement. Les résultats de la première session en première année de droit à l’Université de Parakou sont encore frais dans les mémoires : seulement 6 étudiants reçus sur 2.482. Une situation qui interpelle tous les décideurs sur les choix de carrières offerts aux jeunes après l’obtention du Baccalauréat, sachant qu’un avenir maîtrisé est conditionné par des cursus adaptés et pluridisciplinaires, tout aussi maitrisés de bout en bout, par l’expertise locale.
Campus France, une alternative prisée
Si les étudiants se bousculent et s’entassent sur les bancs des facultés classiques en début d’année pour finir par s’y désintéresser, c’est probablement parce qu’ils considèrent les offres de formations universitaires locales comme des pis-allers. À preuve, pour la seule saison 2024-2025, Campus France a traité onze mille dossiers de candidats à l’expatriation. Parce qu’il reste pratiquement la seule alternative crédible si, avec un ou deux Masters en poche, l’on ne veut pas finir chômeur, cybercriminel, taxi ou intermittent de petits boulots essentiellement précaires et révocables. De quoi s’interroger réellement au sujet des politiques publiques formulées à l’intention des jeunes et des dispositions prises pour que les rêves tout en quadrichromie de nos 79.588 candidats admissibles, ne virent dans quelques années, en un grand cauchemar éveillé.
Anicet OKE