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Alphonse Montcho sur sa présélection au Prix Théâtre RFI 2025 : « Avec ce texte, je mène peut-être la lutte pour un monde vivable pour tous les genres »

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Sur 143 manuscrits reçus, issus de 22 pays du monde, le jury du Prix RFI Théâtre 2025 en a présélectionné 12, dont cinq écrits par des femmes. Ainsi, Ce ciel d’orage sous nos paupières, œuvre du jeune écrivain béninois Alphonse Montcho, fait partie des textes appréciés et retenus par les jurés. Dans cette interview qu’il a accordée, l’auteur a évoqué son engagement social, son ambition pour la littérature africaine et sa détermination à porter la voix des femmes victimes de violences et de féminicides.

FRATERNITÉ : Félicitations pour votre présélection ! Alors, que représente pour vous cette reconnaissance par le Prix Théâtre RFI ?

Alphonse Montcho : Eh bien, qu’on le veuille ou non, un texte remarqué par un jury, fait forcément plaisir à celui ou celle qui lui a donné corps et souffle. Je crois que c’est la petite magie des prix littéraires, en particulier, celui du Prix RFI théâtre qui suscite tant d’intérêt dans le rang des dramaturges. Les récompenses en littérature, bien qu’elles ne soient pas la raison fondamentale de l’acte d’écriture, sont des sortes de passerelles de joie, de contentement, où l’écrivain s’arrête, se demande ce qui lui arrive, souffle un peu, les yeux embués. Seul face à son œuvre, il se rend finalement compte de la valeur qu’elle a (eu) aux yeux d’autres lecteurs qu’il ne connaît pas, qu’il n’a jamais imagines sur les sillons de son écriture. Et ce ravissement est d’autant plus débordant puisque son texte a été en compétition avec ceux de plusieurs autres candidats. C’est un peu mon cas ; j’éprouve de la satisfaction quant au rendu du texte. Il a pu attirer l’attention d’un comité de lecteurs aguerris, expérimentés et passionnés. Cette présélection au Prix RFI théâtre 2025 avec mon poème dramatique Ce ciel d’orage sous nos paupières, c’est une victoire personnelle, un accomplissement longtemps rêvé, une motivation à faire mieux encore, à me surpasser, pour être à la hauteur de l’attente. C’est un  bonheur de faire partir de ce short list, d’être en lice avec d’autres talentueux auteurs venus d’Haïti, du Cameroun, de la RDC, du Bénin, du Burkina Faso… Sursaut d’un sentiment patriotique : mon pays, le Bénin, est aussi à ce rendez-vous littéraire. Et je crois que cela fait du bien à la littérature de chez moi.

Pouvez-vous nous résumer l’histoire ou le message central du texte que vous avez présenté au concours ?

Ce ciel d’orage sous nos paupières est un hommage à la jeune athlète ougandaise Rebecca Cheptegei, immolée par le feu par son ex-compagnon au lendemain de sa participation aux JO de Paris en 2024, à Damaris Mutua, Agnès Tirop et toutes ces femmes tombées face à la violence masculine. Ce texte dit toute la douleur qu’elle a dû traverser, refouler pendant son internement au centre hospitalier d’Eldoret, au Kenya. Puisque l’écriture a le pouvoir de résister à la mort, ce poème devient l’excuse parfaite pour maintenir l’entrain du pouls, stabiliser les battements de cœur de cette mère assassinée. Ici, elle refuse de périr, se tisse une autre vie entre peines, peurs, doutes, à travers les lignes de la pièce. Ce ciel d’orage sous nos paupières se fait alors la énième raison, celle de trop, pour porter un regard sur le féminicide qui fait des ravages au Kenya et dans le monde.

Votre écriture semble très engagée. Quel rôle attribuez-vous au théâtre dans la société actuelle, notamment au Bénin, et quelle lutte menez-vous ?

Le théâtre, à l’instar des autres genres littéraires, peut, bien entendu, être l’expression de l’engagement d’un écrivain dans notre société actuelle, secouée par tant de crises, de guerres, de tensions et  d’épidémies. Au Bénin, les femmes victimes du féminicide ne sont peut-être pas en surnombre si nous nous en tenons aux nombres de cas enregistrés au Kenya.

Le projet d’écriture de Ce ciel d’orage sous nos paupières est né de mon affliction quand la nouvelle a commencé à défrayer les chroniques sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels, la télé, la radio. Ce texte est peut-être l’élan féministe que je n’ai jamais soupçonné en moi, qui trouve matière en devenant ce poème. Après, je me suis posé plusieurs questions : si cette femme immolée par le feu était une proche à moi ? Et si d’autres hommes font comme l’ex-compagnon de cette marathonienne ? Où trouveront refuge les femmes si leur cohabitation avec les hommes dans nos sociétés actuelles devait, s’endurcir en un récit interminable de sang, de crimes ? Avec ce texte, je mène peut-être la lutte pour un monde vivable pour tous les genres, où la femme peut vivre libre, sans hantise.

Quelle place occupent les traditions ou réalités africaines dans votre œuvre théâtrale, vis-à-vis des tristes réalités d’un monde dit révolu ?

Ce poème soulève quelques réalités. J’ignore si les qualifier d’africaines serait objectif, puisqu’elles peuvent être aussi des réalités quotidiennes, vécues dans d’autres sociétés humaines. Il s’agit de la place de la femme face à l’endurcissement du patriarcat, l’indifférence de certains États face au féminicide qui emporte beaucoup de vies, la recrudescence des VBG, avec d’autres formes plus accentuées.

En tant qu’auteur béninois, quels défis rencontrez-vous dans la création et la diffusion de vos textes ?

Je ne rencontre pas vraiment de difficulté quand je dois écrire. Il me suffit juste de trouver une thématique dont l’image me convient, intègre profondément mon imaginaire, du temps, pour que le tout soit joué. Mais je n’écris pas en excluant le syndrome de la page blanche. À des moments donnés0, on souffre d’une panne sèche d’inspiration. Il faut alors observer un moment de recul pour mieux revenir. Quand je parviens à mener à terme mes projets d’écriture, je les confie à l’équipe de Légende édition pour la publication.

Qu’espérez-vous après cette première sélection ?

Le sacre de cette édition, peut-être. Des sélections encore, à l’avenir, si d’autres textes naissent de mes pérégrinations intérieures et convainquent.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes auteurs ou dramaturges du continent ?

Beaucoup de dévotion au travail.

Propos recueillis par Michèl GUEDENON

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