Moins de cinq ans après sa création, le rythme Adjapiano gagne déjà les cœurs du public béninois et international au point de susciter de grands débats quant à sa capacité à représenter le Bénin sur la scène mondiale. Si les avis à ce sujet varient d’une personne à une autre, ils restent uniformes sur la puissance rythmique et dansante de ce genre musical. Dans cette vox populi, des consommateurs du rythme Adjapiano se prononcent sur la possibilité d’en faire la carte d’identité musicale du Bénin.
Gaëlle Maire, professeure de musique et pianiste (Suisse)
« C’est une musique qu’on peut commercialiser très facilement en Amérique et en Europe »
C’est un rythme agréable à suivre et aussi pour des occidentaux ou des américains. Cela me fait penser à un mélange entre les rythmes Electro et Rap Cool. Je ne puis dire si c’est représentatif des rythmes béninois n’étant pas assez connaisseuse de la culture musicale béninoise. Je puis dire en tant qu’occidentale que cela me fait aussi penser au R&B très commercialisable, en tout cas pour la tranche des jeunes générations. C’est une musique qu’on peut commercialiser très facilement en Amérique et en Europe, surtout pour la danse et la chorégraphie. C’est un rythme qui, internationalement parlant, passe bien.Il dégage du sérieux au niveau du message (deviné par le côté visuel car je ne comprends pas le fon). C’est une musique qui se prêterait facilement à la danse. Il y a aussi une douceur de fonds très appréciable que l’on reconnaît à votre pays, une fois que l’on vous connaît personnellement.
Raphaël SHEYI, artiste musicien
« J’aime le style, car ça garde le 229 accordé à la tendance musicale continentale »
Je connais le rythme Adjapiano. C’est une sauce Amapiano faite avec les condiments ADJA. En effet, tout style a un sens, une direction, un but et une cible. J’aime le style car ça garde le 229 accordé à la tendance musicale continentale sans traverser ses frontières. Pour ce qui est de savoir si ce genre musical représente la musique béninoise, à mon humble avis, je dirai « Non ». Un style musical représentant un pays doit refléter l’identité culturelle, l’histoire, et les traditions de ce dernier. Les éléments, comme la danse notamment, doivent être distinctifs et reconnaissables, susceptibles d’évoluer avec le temps tout en conservant leurs racines culturelles.
Méchac ADJAHO, musicien compositeur et formateur en métiers d’art
« Au niveau purement créatif, c’est une merveille »
Je connais le rythme Adjapiano. Pour arriver là, il y a eu une bonne dose d’inspiration doublée d’un travail acharné, le tout trempé dans une volonté affichée de poser une action concrète pour affirmer l’identité béninoise en restant dans l’air du temps. Je n’ai pas de rapport affectif avec Adjapiano. Il ne me fait pas le même effet émotionnel que le tchink system, par exemple. Mais au niveau purement créatif, c’est une merveille. Je respecte le travail qui est fait là-dessus. Ça groove bien et c’est compétitif. La dynamique a bien commencé. On est encore loin d’une représentation globale mais c’est un bon pion. Il faudra savoir le jouer pour marquer des points à l’international à la faveur du Bénin.
Esthelle TOKPE, photographe
« Ça nous renvoie à nos origines à travers de vieilles histoires connues mais oubliées »
Je connais le rythme Adjapiano. Je crois que c’est une révolution de l’Amapiano mais qui se base essentiellement sur le Gogohoun. J’aime le style, je l’adore d’ailleurs. C’est bon à entendre, ça fait danser. En dehors de l’ambiance qu’il met, il y a l’aspect du narratif. Ça nous renvoie à nos origines à travers de vieilles histoires connues mais oubliées et à travers des chansons populaires. Le rythme Adjapiano représente bien la musique béninoise. C’est une tendance qui a déjà traversé les frontières béninoises, africaines et emporte les spectateurs sur des scènes à l’international. Il y a de la matière, il y a de quoi révéler le Bénin à travers ce style. Il faut juste que l’on essaie de parfaire les incohérences soulignées par le public de sorte à ce que tout le peuple béninois, peu importe l’appartenance ethnique, y voit ses origines.
Abraham Constant, Musicien pianiste Compositeur
« Ce mélange d’ancien et de nouveau crée une identité musicale forte et actuelle »
Je connais le rythme Adjapiano. C’est une fusion intéressante entre le Gogohoun du Couffo, un rythme béninois, et l’Amapiano, un genre sud-africain très en vogue. Je le perçois comme un pont entre les racines culturelles du Bénin et les tendances modernes de la musique africaine. C’est un rythme à la fois riche, dansant et novateur. J’aime beaucoup ce style musical. Il a une énergie unique, il fait vibrer le corps tout en rappelant l’importance de nos traditions. Ce mélange d’ancien et de nouveau crée une identité musicale forte et actuelle, qui parle aussi bien aux jeunes qu’aux connaisseurs de musique traditionnelle.
Maurice ASSOGBA, Bassiste grooveur
« Adjapiano est très apprécié par la nouvelle génération qui n’a pas honte de le valoriser »
Je connais le style Adjapiano. Je le perçois d’une part comme étant la révolution du Gogohoun, un rythme originaire d’Adja, et d’autre part comme étant l’Amapiano du Bénin. Amapiano, lui, est un style de musique originaire d’Afrique du Sud. J’aime bien ce style parce qu’il fait bouger en priorisant surtout le groove et en restant fidèle au style de base qu’est le Gogohoun. Partant du fait que ce genre est une sorte de révolution du Gogohoun, qui est un rythme purement Béninois, je puis dire qu’il représente bien la musique béninoise. Adjapiano peut représenter la musique béninoise parce que, d’abord, il suit la tendance actuelle. Ensuite, c’est une sorte de fusion entre le Gogohoun et le Amapiano qui est un rythme très influent de nos jours ; et enfin l’Adjapiano est très apprécié par la nouvelle génération qui n’a pas honte de le valoriser.
Akossiba Florimonde Adankpo, graphiste designer
« On en est fière parce que c’est du made in Bénin »
Je connais le rythme Adjapiano. C’est une innovation remarquable du Bénin. Une ambition à soutenir. Mais pour moi, l’appellation relève un peu du plagiat, en référence à l’Amapiano qui est un rythme nigérian. Nous savons que l’inspiration vient de là mais il pourrait ne pas transparaître dans l’appellation. Sinon, on danse bien sur le rythme et on en est fière parce que c’est du made in Bénin.
Brice Alfred AGBETE, étudiant en licence 3 des lettres modernes
« Tous les artistes devront travailler à améliorer le rythme »
Je connais très bien le rythme Adjapiano. Au début je n’ai pas aimé ce rythme car je m’étais laissé convaincre par les préjugés. Mais après avoir été en contact j’ai réalisé que j’avais tort. C’est un truc de malade et j’ai kiffé de ouf. J’aime ce style de musique car il met de l’ambiance, il fait bouger n’importe qui et nous offre des vibes. Pour ma part, c’est un rythme qui fait notre particularité dans le domaine musical et on nous reconnaît à travers ce genre musical. On doit faire en sorte que ce style soit le symbole de notre musique à l’international. Et pour ça, pour y parvenir, il faudra une union des forces. Tous les artistes devront travailler à améliorer le rythme, à corriger à leur manière les imperfections qu’ils indiquent dans cette tendance.
Oladikpikpo Afdal ADJIBADE, comédien
« Ça fait du bien d’écouter un son qui ne copie pas mais qui crée »
Je connais Adjapiano. C’est une fusion très créative entre l’Amapiano venu d’Afrique du Sud et Gogohoun. Je le perçois comme un rythme novateur et ouvert à la modernité. Il y a une vraie fierté à entendre des sonorités locales s’inviter dans une esthétique mondiale. Je l’aime bien. Il a ce pouvoir de faire danser tout en racontant quelque chose de nous. Il valorise notre patrimoine culturel en restant accessible et actuel. Avec Adjapiano, c’est un peu comme si le Bénin avait trouvé son propre code musical pour parler au monde. C’est entraînant, riche, et surtout, ça fait du bien d’écouter un son qui ne « copie » pas mais qui crée. Il en devient un très bon ambassadeur, surtout chez les jeunes.
La musique béninoise est vaste : du tchink system, du noudjihou, du kosso au traditionnel pur, en passant par la scène urbaine. Mais LE Adjapiano, lui, propose une vraie synthèse : il garde l’âme du Bénin tout en parlant la langue du monde. C’est un genre qui a le potentiel de représenter notre époque, notre énergie, et notre désir d’exister musicalement avec une signature propre. Il suffit de continuer à peaufiner cela, retravailler les notes.
Propos recueillis par Michèl GUEDENON
