Alors que les langues maternelles peinent à se faire une place à l’école, leur survie dépend surtout des premiers éducateurs : les parents. À travers ce micro-trottoir, plusieurs jeunes Béninois livrent leurs réflexions sur la place des langues maternelles dans leur éducation.
Blandine OROUCOURA GANNI

« Ma langue maternelle me relie à mes ancêtres »
Je comprends et je parle couramment ma langue maternelle, car c’est avec cette langue que mes parents communiquent avec moi depuis mon enfance. Pour moi, ma langue maternelle est plus qu’un simple moyen de communication : elle est un symbole de mon identité, de mes origines, de ma culture et de mon appartenance à une communauté. Elle définit qui je suis. Ma langue maternelle me relie à mes ancêtres, à notre histoire et à nos traditions. Les langues maternelles jouent un rôle essentiel dans le développement personnel et culturel d’un individu. Elles favorisent la construction de l’identité, le sentiment d’appartenance à une communauté et la diversité culturelle. Les parents ont une grande responsabilité dans la promotion et la préservation des langues maternelles. Ils sont les premiers enseignants de leurs enfants et ont le devoir de transmettre cette richesse. Cela passe par l’usage quotidien de la langue, les contes, les chansons, les proverbes.
Harold NOUKPO

« La langue maternelle est notre carte d’identité »
Mes parents m’ont appris ma langue maternelle. Ça représente mon identité, ma manière de savoir que j’appartiens à une communauté. La langue maternelle est indispensable, c’est notre carte d’identité pour notre identification sociale. C’est la base pour protéger notre origine et nos valeurs. Les langues maternelles constituent même l’essence de nos origines. Aujourd’hui, certaines expressions sont carrément difficiles à traduire dans les langues étrangères, comme les adages. Les parents ont une responsabilité cruciale : rappeler aux enfants d’où ils viennent, leur origine, et ce, en leur apprenant leur langue maternelle pour qu’ils puissent porter ces valeurs et se reconnaître dans leur communauté.
Bintou MAGUIDI

« Dans ce monde capitaliste, il faut apprendre l’utile »
Mes parents ne m’ont pas appris à parler ma langue maternelle et cela ne me manque guère. Apprendre à son enfant à s’exprimer dans sa langue maternelle est certes important, mais tout dépend du milieu dans lequel il a grandi. Si d’autres dialectes sont utilisés dans son environnement et qu’il n’a pas la possibilité de pratiquer, il n’est certainement pas nécessaire de lui imposer une autre langue. De plus, ayant vécu dans un mariage où les deux parents ne sont pas issus du même milieu, ils ont jugé bon de communiquer dans une langue autre que le français, mais qui faisait l’unanimité. Alors, est-ce qu’apprendre ou non la langue maternelle est une responsabilité des parents ? Je ne crois pas. Déjà à l’âge adulte, ou même avant, l’enfant a la capacité de l’apprendre. Et dans ce monde capitaliste, il est juste normal d’apprendre ce qui est utile.
Oumar SAVI

« C’est un héritage, une fierté »
Mes parents m’ont appris ma langue maternelle. Au-delà de me permettre de communiquer avec mes pairs, c’est ma richesse et la preuve de mes origines. Pour ma part, je pense que c’est un héritage, une fierté et une grande preuve de nos origines. Inculquer aux enfants non seulement les langues maternelles, mais aussi nos valeurs traditionnelles, reste un devoir que ne devraient pas négliger les parents, au risque de perdre notre identité au fil des générations. « C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle ».
Mariane DOUBOGAN

« Nos langues sont notre héritage dans un monde colonisé »
Mes parents ne m’ont pas vraiment appris ma langue maternelle ; j’ai dû apprendre en écoutant. Je sais que ma langue maternelle est celle de chez moi, et je respecte nos cultures. Nos langues maternelles représentent notre héritage culturel, nous rappellent notre identité africaine dans un monde totalement colonisé par les langues d’ailleurs, et elles nous renvoient à l’histoire de nos ancêtres. Les parents ont une grande responsabilité dans la promotion de nos langues, car ils représentent nos griots et doivent nous apprendre à rester fidèles à notre culture, à la respecter et à la promouvoir dans d’autres pays. Si l’Occident nous vend si bien sa culture, pourquoi pas nous ?
Réalisation : Arsène AZIZAHO