Alors que les langues maternelles peinent à survivre dans les milieux urbains et académiques, leur vitalité reste intacte dans certains espaces du Bénin. Les villages et les secteurs artisanaux apparaissent aujourd’hui comme les derniers bastions vivants de la transmission linguistique, porteurs d’un héritage que l’urbanisation effrénée semble vouloir effacer.

Emmanuel Dulac Houssou
Face au recul alarmant de l’usage des langues maternelles dans les milieux urbains, les salles de classe, les familles des grandes villes et même les administrations, un constat s’impose : c’est dans les milieux ruraux et chez les acteurs du secteur artisanal que nos langues nationales résistent le mieux à l’oubli.
Dans les campagnes, la langue maternelle n’est pas un sujet de débat : elle est vivante, elle s’entend au marché, à la ferme, au moulin, dans les champs et dans les rues. Chez les forgerons, les menuisiers, les électriciens, les soudeurs, les éleveurs, les maçons, les peintres, les agriculteurs et tant d’autres artisans, elle est le vecteur principal de communication. Contrairement aux étudiants ou cadres qui, par souci d’image ou par habitude, rejettent leur langue, ces acteurs de terrain en font un outil quotidien de travail, de formation et de socialisation.
En sociologie ethnique, il est reconnu que les sous-groupes sociaux peuvent jouer un rôle central dans la conservation de la mémoire collective. C’est exactement ce que l’on observe ici : ces communautés rurales et artisanales sont, sans le savoir parfois, les gardiens silencieux d’un patrimoine immatériel en voie de disparition ailleurs.
Mais il ne faut pas pour autant se reposer sur ces piliers. La langue maternelle ne doit pas être considérée comme l’apanage d’un milieu ou d’une profession. Elle est l’identité de chacun, l’héritage de tous. Il revient donc à chaque parent, à chaque famille, de la transmettre, de la valoriser, de la faire vivre au quotidien. Il ne suffit pas d’avoir grandi en dehors de sa localité ou de vouloir privilégier le français pour renier ses racines.
Parler sa langue n’est pas un frein à la réussite scolaire ou professionnelle. Au contraire, c’est une richesse qui renforce l’enracinement, l’estime de soi et l’ouverture à l’autre. Le rôle des parents est ici crucial : ils doivent parler à leurs enfants dans leur langue, les y habituer, sans honte ni complexe. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons préserver ce trésor, transmis par nos aïeux. L’histoire retiendra.