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Pr Thiery Alavo à propos des travaux de mémoires et de thèses : « Très peu de mémoires et de thèses produits au Bénin sont réellement utiles »

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Trop souvent perçus comme de simples formalités pour valider un diplôme, les mémoires et thèses regorgent pourtant de données, d’analyses et de réflexions utiles à la recherche, à l’élaboration des politiques publiques ou encore à l’innovation en entreprise. Dans cet entretien accordé à Thiery Alavo, professeur titulaire spécialisé en Entomologie appliquée et Lutte biologique contre les insectes nuisibles, il revient sans langue de bois sur l’utilité réelle des mémoires et thèses universitaires, la place de la recherche dans la prise de décision, les obstacles à sa valorisation, et les dérives qui minent l’enseignement supérieur au Bénin. Affilié à l’Université d’Abomey-Calavi où il a fondé le Laboratoire d’Entomologie Appliquée / Centre Edward Platzer, Pr Thiery Alavo est l’un des chercheurs béninois les plus engagés dans la promotion de la rigueur scientifique.

Quel rôle joue un mémoire ou une thèse dans le parcours universitaire d’un étudiant ?

Un mémoire ou une thèse est un compte rendu d’activités scientifiques essentiel dans le parcours universitaire d’un étudiant. Il est rédigé à la suite d’un stage d’au moins six mois pour l’obtention d’un diplôme de Master. Pour ce qui concerne le doctorat, ce rapport s’appelle « thèse » et est rédigé au bout de trois ans de travaux. Dans le cas du mémoire, l’étudiant en fin de formation doit travailler au sein d’une équipe de recherche et, tout en participant à toutes les activités de son laboratoire d’accueil, collecter des données scientifiques pour la rédaction. Ce stage lui permet de mettre en pratique les connaissances acquises au cours de sa formation et de s’initier à la recherche scientifique. Le mémoire permet ainsi à l’étudiant d’acquérir une expérience professionnelle et d’être introduit à la démarche scientifique. Concernant la thèse, un projet de recherche plus dense est confié au doctorant. Il doit générer une quantité significative de données scientifiques afin de faire évoluer les connaissances dans son domaine. Après trois années de recherche, le doctorant devient normalement un expert dans son champ. La rédaction d’un mémoire ou d’une thèse développe également l’esprit critique, notamment à travers la confrontation des résultats obtenus avec la littérature scientifique internationale. Cette étape est cruciale pour la formation intellectuelle du futur diplômé. En résumé, le mémoire et la thèse sont des étapes incontournables qui permettent à l’étudiant de développer des compétences clés et, dans le cas du doctorat, de contribuer à la production scientifique.

Pensez-vous que la majorité des mémoires/thèses produits dans nos universités ont une utilité pratique réelle ?

Il existe au Bénin quelques enseignants-chercheurs sérieux qui s’efforcent de travailler dans le respect de la rigueur scientifique, mais ils sont très rares. La pluspart des étudiants choisissent la facilité et s’orientent vers des enseignants qui leur permettent d’obtenir rapidement un diplôme sans réel travail. Ainsi, de nombreux mémoires et thèses sont frauduleux, comme l’a récemment reconnu le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) dans une note adressée aux recteurs des universités publiques (Cf. courrier N°1638/MESRS/DC/SGM/DGES/SA du 8 octobre 2024). En conséquence, très peu de mémoires et de thèses produits au Bénin sont réellement utiles.

Qu’est-ce qui, selon vous, empêche les travaux de recherche d’être utilisés davantage dans la prise de décision ou dans l’innovation ?
Je pense que c’est le manque de culture scientifique des Béninois et la kakistocratie (désigne n’importe quel système organisé, gouvernement, université, entreprise, où des personnes incompétentes sont hiérarchiquement haut placées) qui empêchent l’exploitation des résultats scientifiques dans les prises de décisions stratégiques du pays.

Existe-t-il aujourd’hui des dispositifs dans les universités pour publier, diffuser ou mettre en valeur ces travaux ?
Les enseignants-chercheurs compétents s’organisent pour publier leurs travaux dans des revues scientifiques reconnues au niveau international. Ces publications sont disponibles en ligne. Je tiens toutefois à préciser que tout ce qui est publié sur internet n’est pas forcément de qualité : il existe des revues prédatrices qui acceptent de faux résultats en échange d’argent.

Que devrait-on mettre en place pour favoriser la transformation des recherches en solutions concrètes ?
Il y avait, au sein du MESRS, un fonds dédié à la valorisation des résultats de la recherche. Mais je ne sais pas ce que ce fonds est devenu ni même s’il existe encore aujourd’hui. De toute façon, beaucoup de problèmes seraient résolus si l’on éliminait la kakistocratie de notre système de gestion.

Quelles stratégies recommandez-vous pour rendre un mémoire utile socialement ou économiquement ?
Il faudrait commencer par éliminer la kakistocratie comme mode de gestion. Et cultiver l’amour de la patrie, car l’intérêt général est totalement absent dans les calculs des Béninois.

Avez-vous des recommandations à l’endroit des encadreurs, institutions universitaires et autorités gouvernementales ?
En vérité, je préfère ne pas faire d’autres recommandations, car je ne suis pas certain qu’il soit sécuritaire de dire la vérité au Bénin à l’heure actuelle. Je vous remercie.

Propos recueillis par  Arsène AZIZAHO

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