Les acteurs de l’école primaire publique font attention à l’adoption ou non des travaux dirigés. Ceux du privé en font un outil d’accompagnement de leurs apprenants en vue de leur visibilité. Ainsi se résume le constat fait dans quelques écoles primaires publiques et privées ces derniers jours.

Méfiance. Telle est l’attitude observée auprès des enseignants et directeurs des écoles primaires publiques quand est évoquée l’organisation des séances de travaux dirigés (TD). Pourtant, le besoin de la remise à niveau des apprenants y est patent. Jeudi 10 avril, dans l’une des écoles primaires publiques, deux apprenants, une fille et un garçon du cours moyen deuxième année (CM2), en plein exercice de lecture, ne peuvent respectivement lire « sandwich » et « tee-shirt » et sont bloqués dans la compréhension du texte à étudier. En dépit de ce niveau qui peut susciter des interrogations, à moins de 60 jours du certificat d’études primaires (CEP), Luis Gangbè, directeur de l’école primaire publique de Zoundja est ferme : « Moi, je n’organise pas les travaux dirigés ». En réalité, « la hiérarchie a interdit les séances de travaux dirigés », soutient une directrice d’école publique qui a requis l’anonymat. De plus, renchérit-elle, « il n’y a nulle part dans l’emploi du temps, des horaires consacrés aux travaux dirigés ». Le comble, martèle – t- elle, « En prenant une telle initiative, l’enseignant court un risque ». S’il tient à organiser les TD, « il doit a priori informer la hiérarchie », ajoute-t-elle tout en concluant : « d’ailleurs, après les cours, l’école est fermée ». Au fond, développe Angélique Hounlélou, directrice du groupe « C » au complexe scolaire Calavi-Quartier, « les périodes d’intégrations ou d’exercices avant les devoirs et les moments de remédiations ou de corrections de ces devoirs ou encore d’enrichissement des situations d’apprentissage, prévus lors du déroulement du programme, tiennent lieu de travaux de remise à niveau des apprenants ». En plus de cette stratégie, spécifiquement au CM2, complète-t-elle, dans la perspective des préparatifs du CEP, « un programme national de renforcement de capacités des apprenants est exécuté. Un cahier d’activités comportant les épreuves des examens antérieurs est partagé à chaque apprenant et les activités sont faites comme des évaluations ». Aucun enseignant du public, du fait de l’interdiction de l’organisation des travaux dirigés payants, n’admettra qu’il organise les TD, rétorque l’un de leurs collègues du privé. « Les samedis, faites la ronde des écoles publiques et vous les verrez à la tâche. Car, chacun d’eux veut sauver sa tête pour ne pas être renvoyé en cas de mauvais résultat en fin d’année », confie ce dernier.
Les TD pour les résultats et augmenter l’effectif au privé
En tout cas, le sujet n’est pas tabou au niveau du privé. Ici à Zoca, dans la commune d’Abomey-Calavi, « c’est grâce aux TD que nous avons eu cent pour cent au CEP 2024. Sur près de quatre écoles qui nous entourent, nous avons été la seule école à obtenir ce résultat », exhibe Arnaud Ahouangbènon, directeur de l’école primaire privée « La Différence ». Au privé, soutient-il, « les TD sont organisés pour offrir les mêmes chances de réussite à tous les enfants, ceux qui ont, ou non, à la maison, des maîtres d’études. C’est également une manière de maintenir l’attention des apprenants sur les études. Cela nous permet aussi d’obtenir les meilleurs taux de réussite aux examens ». A l’école primaire privée « La Différence », « Tous les mercredis de 15 heures à 17 heures, les TD sont organisés au profit de tous les apprenants du cours initial (CI) jusqu’à ceux du cours moyen première année (CM1). Les enfants du CM2 viennent aux TD les samedis de 8 heures à 12 heures », informe-t-il en précisant que « les parents payent 7000 FCFA par an » pour ces travaux. Au complexe scolaire « Le Regard », la quote-part des parents pour l’organisation des TD n’est pas dévoilée. Elle est peut être incluse dans la contribution, fait supposer Roméo Mahougbè, directeur dudit complexe. Toujours est-il que ces séances ne sont pas gratuites et se tiennent « les mardis et jeudis, pendant une heure d’horloge, à partir de 17 heures 05 minutes, pour les enfants du CI jusqu’à ceux du cours élémentaire deuxième année (CE2). Les plus grands, à savoir les CM1 et CM2, y sont également les mardis et jeudis à la même heure ainsi que les samedis de 8 heures à 12 heures ». Ce sont ces TD qui « nous ont permis d’obtenir 100% au CEP en 2016, 2017, 2019, 2020 puis de 2022 à 2024. Soulignons que l’année 2024 a même été spéciale au niveau de notre établissement. Car nous avons aussi eu cent pour cent au Brevet d’études du premier cycle (BEPC) et au Baccalauréat », brandit Roméo Mahougbè. Puis, il fait cette analyse, « Sans ces résultats obtenus grâce aux TD organisés, peut-être que nous n’existerions plus. En effet, autour de nous, il y a huit autres écoles, dont une publique et d’autres de grandes renommées ayant la capacité d’absorber notre effectif … ». Présentement, les documents du complexe affichent un effectif des apprenants du CM2 compris entre 17 et 30 enfants de 2016 à 2024. D’ailleurs, ce plus grand effectif de 30 apprenants au CM2 est enregistré au cours de cette année scolaire 2024-2025. Actuellement, tout le primaire compte 173 apprenants. A écouter les deux directeurs du privé, le fil conducteur des séances de TD reste les épreuves soumises aux apprenants et qui sont traitées en donnant une priorité d’accompagnement aux apprenants dont le niveau est faible ou à ceux qui ont mal cerné la situation d’apprentissage objet de la séance. C’est la même stratégie que met en œuvre le complexe scolaire clé de la réussite, atteste Yvonne, la tutrice d’un des apprenants. Selon le niveau, les parents payent par mois soit 2000 FCFA, soit 3000 FCFA, informe-t-elle. Seulement, ne participent à ces séances, que les apprenants dont les parents se sont acquittés des frais de TD. Cette manière de faire, opine Habib Dotchamou, conseiller pédagogique au niveau de la zone 3 de la circonscription scolaire d’Abomey-Calavi 1, « ressemble beaucoup plus à des séances de répétition qu’à des travaux dirigés ».
L’interprétation erronée des textes d’interdiction d’organisation des travaux dirigés payants

30 août 2017, « Le conseil des ministres a décidé d’interdire, pour compter de la rentrée scolaire 2017 – 2018, les travaux dirigés payants dans les écoles et établissements publics sur toute l’étendue du territoire national ». 4 ans plus tard, le 08 décembre 2021, par note de service référencée n°2345/MEMP/DC/SGM/SP portant « Interdiction des Travaux Dirigés (TD) à titre payant dans toutes les classes du primaire et des sections de la maternelle », Salimane Karimou, ministre des enseignements maternel et primaire, ordonne « que pour compter (du 08 décembre 2021), le recours auxdits travaux est formellement interdit dans toutes les écoles primaires et maternelles ». Ces deux actes, qui sont pour l’instant les seuls encadrant l’organisation des travaux dirigés, ont uniquement interdit les séances de TD à titre payant. Mais, au niveau du public, on ne veut même pas ouvrir le chapitre TD. Ils ont gravé dans la tête que l’autorité a refusé. Ce qui n’est pas exact. La preuve, le ministère encourage certaines initiatives des ONG tendant à relever le niveau des apprenants en français à travers la vulgarisation des cahiers d’exercices structuraux. Néanmoins, ce qui mérite une clarification, est l’ambiguïté de la note du ministre. Contrairement au conseil des ministres qui est bien précis et qui étend l’interdiction au niveau du secteur public, la note du ministre, quoique de norme inférieure par rapport à la décision du conseil des ministres, y est restée muette entretenant ainsi un flou. Conséquence, certains privés cherchent à taire les ressources perçues dans le cadre de l’organisation des TD. Cette mauvaise interprétation des actes au niveau du public et cette pratique de dissimulation de ressources au niveau du privé exhortent à la prise d’un acte exclusivement consacré à l’organisation des TD dans le secteur éducatif.
Travaux dirigés ou séances de répétition
Habib Dotchamou, conseiller pédagogique au niveau de la zone 3 de la circonscription scolaire d’Abomey-Calavi 1, ne mâche pas ses mots : « une séance de travaux sélective où tous les apprenants n’y sont pas conviés, où ces derniers se sentent exclus du fait des ressources à payer est tout sauf des travaux dirigés ». Pour qu’on parle de travaux dirigés, le conseiller pédagogique donne les caractéristiques. Il faut que les séances soient décrétées par l’autorité compétente. Ou à défaut, qu’elle émane de l’initiative de l’école ou de l’enseignant du cours. De plus, l’organisation des travaux dirigés doit être sous-tendue par un objectif. Soit l’amélioration du taux de réussite aux examens soit le renforcement des capacités des apprenants. Ce renforcement des capacités devient une consolidation pour les apprenants de faible niveau et un enrichissement pour les apprenants dont le niveau est acceptable. Egalement, l’initiative des travaux dirigés doit prendre en compte tous les apprenants ou à titre exceptionnel la majorité de ces derniers. Des travaux qui ne concernent qu’un certain nombre sont des séances de répétition. Les travaux dirigés couvrent une période bien définie au regard de l’objectif visé. Cette période peut aller de la rentrée jusqu’à la veille des examens. Ce qui n’est pas le cas des répétitions où la période est indéterminée et peut être suspendue à tout moment. Les travaux dirigés peuvent être organisés les mercredis après-midi ou les samedis selon la planification de chaque école.
Vadim QUIRIN