
Karim Oscar ANONRIN
Au nombre des dossiers inscrits à l’ordre du jour de la première session extraordinaire de l’Assemblée nationale ouverte, il y a quelques jours, figure le projet de loi portant composition, attributions, organisation et fonctionnement de la chefferie traditionnelle. Après l’adoption de la loi N° 2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République avec l’inscription de l’article 151-1 qui dispose que : « l’État reconnaît la Chefferie traditionnelle gardienne des us et coutumes dans les conditions fixées par la loi », ce fut l’euphorie au niveau des chefferies traditionnelles. Pendant plusieurs jours, voire plusieurs mois, le gouvernement et son Chef, le président Patrice Talon ont reçu tous les lauriers possibles. Beaucoup y ont vu une volonté politique pour une meilleure organisation de la chefferie traditionnelle au Bénin. Ceci, parce que pendant plusieurs années, le Bénin a présenté un tableau peu reluisant avec la multiplication des têtes couronnées et de rois qui se réclament de tel ou tel royaumes sans oublier les conflits de succession au trône. Depuis quelques jours, les médias annoncent que ce sont 16 royaumes au Bénin qui seront reconnus par l’Etat. Il s’agit des royaumes d’Allada, de Bassila, de Bouè, de Danhomè, de Dogbo-Abomey, de Hogbonou ou Porto-Novo, de Igbo Idaasha ou Dassa, de Sakété, de Kétou, de Kika, de Kilir ou Djougbou, de Kpanmè ou Kounandé ; de Nikki, de Sandiro, de Savalou et de Sabè.
Des dispositions prises pour une loi acceptée par tous, mais…
Depuis que les premiers concernés par ce projet ; c’est-à-dire les têtes couronnées et les rois, ont appris la programmation du dossier à l’ordre du jour de la session extraordinaire en cours au Parlement, il s’est instauré un climat d’inquiétude au niveau de ceux-ci. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été reçus par le président de l’Assemblée nationale, Louis Gbèhounou Vlavonou pour lui exprimer leurs inquiétudes et plaider pour que leurs royaumes soient pris en compte dans la loi qui sera adoptée. La question que beaucoup se posent aujourd’hui est de savoir si le Parlement réussira à adopter cette loi en faisant en sorte qu’elle n’engendre pas des contestations. Le commun des Béninois se souvient encore des mouvements d’humeur après la tentative de désignation des chefs-lieux des nouveaux départements à savoir la Donga, l’Alibori, les Collines, le Plateau, le Couffo et le Littoral. C’était sous le régime du président Boni Yayi. Il aura fallu l’avènement du régime de la rupture pour que ces nouveaux départements connaissent enfin leurs chefs-lieux et ce n’était pas non plus sans contestations populaires. Qu’est-ce qui se passera donc si certains citoyens béninois ne se retrouvent pas dans la loi qui sera votée ? Ce qui est peut-être rassurant est que l’étude en commission d’un projet de loi ou d’une proposition de loi se fait avec minutie et peut faire l’objet de sollicitation d’expertises externes au Parlement. D’ailleurs, le président de la République, Patrice Talon, a pris les dispositions nécessaires pour un travail scientifique relatif au projet de loi portant organisation de la chefferie traditionnelle en République. Le 22 mai 2022, il a installé une Commission de 15 membres ayant des connaissances et des compétences en histoire, géographie, socio-anthropologie, droit et sur le sujet proprement dit. Cette Commission présidée par le Professeur Albert Bienvenu Akoha, a eu pour mission de rédiger l’avant-projet de loi portant composition, attributions, organisation et fonctionnement de la chefferie traditionnelle et d’élaborer des avant-projets de textes d’application de la loi. Mais, en dépit de toutes ces dispositions, l’accouchement de la loi sur les chefferies traditionnelles risque de ne pas être de tout repos.