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Enjeux géopolitiques des récents décrets de Donald Trump : les nations africaines  face à leur responsabilité

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Les revirements politiques des États-Unis au lendemain de l’investiture de Donald Trump, le lundi 20 janvier 2025 continuent de soulever de nombreuses polémiques. Si d’aucuns y voient logiquement l’effondrement des pays africains, plusieurs spécialistes des relations publiques et internationales analysent et perçoivent autrement la situation.

Michel GUEDENON (Collaborateur)

Exit l’aide étrangère américaine. Finie l’ « exploitation » des États-Unis au nom du développement mondial. Telles sont les orientations idéologiques de Donald Trump, président des États-Unis, qui entend privilégier d’abord les intérêts du pays dans les relations interétatiques. Ainsi, cet élan de repositionner l’Amérique à travers la réduction des dépenses publiques a donné lieu à une série de réformes jugées périlleuses pour l’évolution des différents pays. Pour ce qui est des décrets visant simultanément l’Afrique et d’autres continents, l’on peut, entre autres, énumérer « le démantèlement de l’agence américaine pour le développement international (Usaid) et la suspension de ses subventions, le retrait de Washington de l’accord de Paris sur le climat, le renforcement de la sécurité quant à l’immigration clandestine et le renvoi immédiat des migrants « sans papiers administratifs » dans leurs pays respectifs, la sortie des États-Unis de l’organisation mondiale de la santé (Oms),… De ce fait, si les raisons d’une telle position du 47è président des États-Unis d’Amérique ne sont plus à présenter, les impacts de celles-ci en Afrique font polémique. En effet, depuis sa création en 1961 sous le président Kennedy, l’Usaid impacte 158 pays, avec une contribution d’aide de près de 65 milliards de dollars des États-Unis, selon le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) dans son rapport de 2023. Ainsi, à travers l’Usaid, les États-Unis ont subventionné 209 pays et régions en 2023, à en croire les données du gouvernement américain. Des programmes comme la « lutte contre le paludisme, le VIH/sida, la malnutrition, la tuberculose, les pandémies, les menaces émergentes, la gestion de la santé maternelle et infantile, le planning familial, la santé génésique, l’assainissement de l’eau » et d’autres… sont ainsi menacés. En plus, de 2022 à 2023, les États-Unis ont financièrement contribué à hauteur de 1,02 milliard de dollars américains aux réalisations de l’Oms, dont plus de 40% destinés à des projets humanitaires en Afrique, selon la radio publique nationale (Npr). Dans le cadre de la lutte contre l’échauffement climatique, les États-Unis avaient prévu d’apporter leur contribution à l’atteinte de l’objectif des Nations qui est de « limiter l’augmentation de la température mondiale à moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Ainsi, ils se sont engagés à réduire de 26 à 28% leur émission de gaz, pour l’année 2025, cette même année qui connaît une fois encore leur sortie de l’accord de Paris sur le climat, après leur première sortie en 2021. Concernant l’immigration clandestine, Trump a confié son intention de « renvoyer des millions et des millions d’étrangers criminels  d’où ils viennent », pour la sécurité intérieure.

Le coup de grâce

Bien que coûteux pour tous les Etats, ces revirements politiques pourraient profondément endommager l’économie africaine. En considération du poids des USA dans le financement des projets humanitaires, les pays bénéficiaires devront désormais puiser dans l’économie nationale destinée à d’autres initiatives de développement, pour voler au secours des populations vulnérables et pallier les maladies et catastrophes naturelles. En argumentant dans ce sens, le Dr Romuald Coffi Dekoun, assistant à la coordination des Masters en droit public et sciences politiques de l’école doctorale de la Faculté de droit et sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Fadesp-Uac), soutient que « les premières personnes qui vont subir les affres de ce retrait sont d’abord les Africains ». Il met l’accent sur la contribution des États-Unis aux structures et organisations humanitaires internationales dont le bon fonctionnement, précise-t-il, est désormais menacé. L’universitaire poursuit son développement en insistant sur le rang des États-Unis sur la liste des plus gros pollueurs de l’environnement. D’après son raisonnement, le retrait de Washington de l’accord de Paris sur le climat est de loin le plus grand délire et constitue le début d’une guerre idéologique. « C’est totalement exagéré de prendre une telle décision à un moment aussi crucial où les avis sont unanimes qu’il faut protéger l’environnement, qu’il faut faire de la protection environnementale une priorité », justifie-t-il, tout en appelant à la responsabilité des Usa et à  la réévaluation de ce décret. Toutefois, Romuald Dekoun nourrit l’espoir que la réélection de Trump pourra impacter positivement la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient et favoriser un retour à la tranquillité, au dépôt des armes.

« L’Afrique ne vit pas que de l’aide américaine. »

Reste que les décrets de Trump, dans leur ensemble, ne troublent pas la quiétude de nombre d’experts des relations géopolitiques. Ces derniers évoquent plutôt une ère de révolution et d’opportunités pour l’Afrique et ses dirigeants. L’ancien ministre de la justice du Bénin, Prudent Victor Topanou, professeur de sciences politiques à l’Université d’Abomey-Calavi et député, président de la Commission de l’Éducation, de la Culture, de l’Emploi et des Affaires Sociales à l’Assemblée nationale, perçoit autrement la situation. Pour lui, aucun pays, en règle générale, ne s’est développé uniquement grâce à l’aide étrangère, « ni même américaine », précise-t-il. « L’Afrique ne vit pas que de l’aide américaine. Si l’aide américaine venait à manquer, cela créerait certes un manque à gagner mais les pays africains s’y adapteront en très peu de temps. (…) On s’adapte toujours à toute situation nouvelle », a-t-il éclairci. L’expert des questions relatives à la coopération internationale illustre sa position en s’appuyant sur le cas du Bénin qui, d’une part, a pu surmonter, contre toute attente, les conséquences de la fermeture de la frontière du Nigeria pendant plus d’un an ; et d’autre part continue dans la même lancée avec le Niger depuis quelques temps. En outre, Victor Topanou réfute la philosophie de l’effondrement des pays africains suite aux récents décrets. « Il n’y a qu’à voir ce que représente l’aide américaine dans les budgets des pays africains. Presque rien. Donc, les pays africains ne peineront pas plus dans le sous-développement, pas plus d’ailleurs qu’ils n’agoniseront  outre mesure », rassure-t-il, tout en rappelant que chaque pays développe sa propre résilience en fonction des circonstances.

Faire face au destin

D’après le Dr Romuald Dekoun, ces revirements politiques des États-Unis au nom de l’intérêt national laissent entrevoir d’éventuelles chutes de l’économie américaine. Selon lui, chaque pays, les États-Unis y compris, a toujours défendu ses intérêts dans le cadre de la coopération internationale. « Si aujourd’hui le président Donald Trump attache un point d’honneur à ce détail, c’est, je dirais, des prémices à ce que peut-être l’économie américaine serait fortement en difficulté. C’est néanmoins un signal fort aux États africains…», clarifie-t-il. A ses dires, le moment est propice pour tous, notamment pour les chefs d’États africains, de repenser l’avenir de leurs pays respectifs en priorisant les conditions de leurs citoyens. Bien qu’épousant certaines décisions du premier milliardaire républicain, le docteur en droit public à l’Université d’Abomey-Calavi est convaincu qu’il existe mille manières pour l’État américain de privilégier ses intérêts, sans pour autant fuir ses responsabilités.

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