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Eustache Hounyèmè, biologiste et généticien sur la formation des jumeaux : « Les jumeaux ne sont pas magiques, ils sont biologiquement fascinants et uniques »

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Dans cet entretien, le biologiste généticien, Assistant de recherche en santé humaine et animale à l’Institut National de Santé Publique (Bouaké, CI) et au Laboratoire de Génétique moléculaire et d’analyse des génomes (UAC), Eustache Hounyèmè éclaire les mystères scientifiques autour des jumeaux. Vrais ou faux, leur formation obéit à des mécanismes précis, loin des croyances populaires. De la division de l’œuf à l’hérédité maternelle, il dévoile les subtilités biologiques de la gémellité, tout en déconstruisant les mythes tenaces qui entourent ces naissances fascinantes.

Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer, de manière simple, ce que signifie « être jumeaux » sur le plan biologique ?

En termes simple, ‘’être jumeaux’’ se réfère sur le plan biologique, à deux bébés ou plus, qui sont nés de la même grossesse lors du même accouchement.

Combien de types de jumeaux existe-t-il selon la science ? Quelles sont les différences fondamentales entre eux ?

Selon la science, il existe principalement deux types fondamentaux de jumeaux. Les ‘’vrais’’ jumeaux ou monozygotes et les ‘’faux’’ jumeaux ou dizygotes. Les différences fondamentales se situent principalement au niveau de leur origine (combien d’ovules et de spermatozoïdes sont impliqués ?), de leur patrimoine génétique, de leur sexe, de leur ressemblance, et dans le cas des vrais jumeaux, du moment de la division de l’œuf, ce qui définira le partage ou non du placenta et des poches amniotiques.

Comment se forment les jumeaux monozygotes (identiques) ?

Les ‘’vrais’’ jumeaux proviennent d’un seul œuf (ovule) fécondé qui devrait aboutir à un seul bébé, mais qui se divise juste après la fécondation, en deux pour donner deux bébés. Les deux bébés sont génétiquement identiques, c’est-à-dire qu’ils ont la même information génétique (ADN). Ils sont toujours du même sexe et se ressemblent énormément.

À l’inverse, comment naissent les jumeaux dizygotes ?

Les ‘’faux’’ jumeaux sont issus quant à eux, de deux ovules fécondés en même temps. En effet, au cours d’un cycle menstruel chez la femme en âge de procréer, chacun des deux ovaires peut libérer un ovule, lesquels peuvent tous les deux être fécondés chacun par un spermatozoïde. C’est comme si la femme portait deux grossesses en même temps. Dans ce cas, les bébés ne sont pas nécessairement du même sexe, et n’ont pas la même information génétique donc ils peuvent se ressembler autant que des frères et sœurs nés individuellement. S’il est une évidence qu’ils partagent une même mère, il n’est pas exclu qu’ils soient issus de pères différents. Notons que le mécanisme de formation de jumeaux, qu’ils soient ‘’vrais’’ ou ‘’faux’’ peut aussi conduire aux triplés, quadruplés ou plus.

Quels facteurs influencent cette division de l’embryon ou la double fécondation ?

Les facteurs les plus étudiés sont : l’hérédité, l’âge de la mère, les traitements de procréation médicalement assistée (PMA), le nombre de grossesses précédentes et curieusement l’origine ethnique.

À quel moment de la grossesse peut-on identifier avec certitude le type de gémellité ?

Le moment le plus fiable pour faire ce diagnostic est lors de l’échographie du premier trimestre. Cet examen réalisé généralement entre la 11e et la 14e semaine d’aménorrhée, permet de déterminer le nombre de placentas et de poches amniotiques. C’est à cette période que la membrane de séparation est bien visible et le sexe identifiable. Si le nombre de bébés est confirmé, la discordance des sexes par exemple renvoi immédiatement à des ‘’faux’ jumeaux.

La naissance de jumeaux est-elle héréditaire ? Si oui, dans quelle mesure ?

L’hérédité ne joue pas de rôle connu sur la survenue des ‘’vrais’’ jumeaux. La formation des ‘’vrais’’ jumeaux est considérée comme un évènement spontané et aléatoire. Contrairement, la survenue des ‘’faux’’ jumeaux est influencée par l’héritage génétique de la mère.  Si une femme a dans sa famille (mère, tantes, grands mères…) des antécédents de faux jumeaux, elle a de grandes chances d’en avoir elle-même. Cela s’explique par une prédisposition à libérer plusieurs ovules lors d’un même cycle menstruel.

L’environnement, l’alimentation ou certains traitements peuvent-ils augmenter les chances d’avoir des jumeaux ?

L’environnement ou l’alimentation n’ont pas des influences prouvées et significatives sur la probabilité d’avoir des jumeaux. Toutefois, d’autres facteurs peuvent effectivement augmenter les chances de grossesses multiples, comme, l’âge de la mère, les traitements de procréation médicalement assistée (PMA), le nombre de grossesses précédentes et l’origine des parents. Il est admis qu’une femme âgée ou qui a déjà eu plusieurs grossesses, a probablement plus de chance d’avoir des jumeaux. Les traitements comme la fécondation in vitro qui impliquent souvent la stimulation des ovaires à produire plusieurs ovules, augmentent les chances d’avoir des faux jumeaux ou d’autres grossesses multiples (triplés, etc.).

Les grossesses gémellaires sont-elles plus fréquentes aujourd’hui ? Pourquoi ?

Oui, les grossesses gémellaires sont plus fréquentes aujourd’hui par rapport aux décennies passées. La raison la plus évidente est l’utilisation croissante des PMA. Cependant, l’accès aux PMA en Afrique est limité. Pourtant à en croire les statistiques, la fréquence des grossesses gémellaires est plus élevée en Afrique Centrale et de l’Ouest. Le Bénin par exemple, présente l’un des taux les plus élevés au monde, avec environ une grossesse sur 35 qui est gémellaire. L’une des théories populaires suggèrent une origine alimentaire. L’igname contiendrait des substances naturelles appelées phytoestrogènes qui stimuleraient les ovaires à libérer plus d’un ovule par cycle. Cependant aucune preuve scientifique tangible n’explique cette situation. Les familles à jumeaux ne sont pas une légende. Les caractéristiques génétiques et hormonales des mères de jumeaux, quelle que soit leur histoire familiale, présentent toutes les mêmes particularités à travers le monde.

Y a-t-il des cas rares ou atypiques de jumeaux qui interrogent encore la science ?

En dehors des deux cas fréquents cités plus haut, il existe surtout pour les vrais jumeaux, des situations qui donnent lieu à d’autres formes de distinction liées au délai avant la division de l’œuf fécondé, ce qui déterminera comment ils partagent ou non le placenta et le sac amniotique. On distingue alors sur la base de cette donnée : Les jumeaux bichoriaux biamniotiques qui ont chacun leur propre placenta et leur propre sac amniotique. C’est le cas de tous les faux jumeaux, mais aussi de certains vrais jumeaux si la division de l’œuf a eu lieu très tôt (jours 1 à 3). Les jumeaux monochoriaux biamniotiques partagent le même placenta mais ont chacun leur propre sac amniotique. C’est la situation la plus courante pour les vrais jumeaux qui correspond à un délai de division entre les jours 3 et 8. Les jumeaux monochoriaux monoamniotiques sont la forme de situation la plus rare et la plus délicate pour les vrais jumeaux qui correspond à une division qui va au-delà d’une semaine. Les bébés partagent le même placenta et le même sac amniotique. Cette situation augmente les risques de complications, car les bébés peuvent s’emmêler dans leurs cordons ombilicaux. Enfin, nous avons les cas extrêmes très rares que sont les jumeaux siamois et semi-identiques (sesquizygotes). Les jumeaux siamois proviennent de la séparation incomplète d’une division très tardive (au-delà deux semaines) de l’œuf fécondé. Les bébés restent alors connectés physiquement par une partie de leur corps et peuvent partager des organes. La médecine chirurgicale a fait des avancées spectaculaires, cependant il reste des situations bien compliquées. Les sesquizygotes sont une découverte très récente grâce aux analyses génétiques pertinentes qui ont permis d’identifier des jumeaux viables, issus d’un seul ovule fécondé par deux spermatozoïdes. Les bébés partagent une partie de leur génome mais pas tout.

Y a-t-il des idées reçues ou mythes que vous souhaiteriez déconstruire ?

‘’L’empreintes digitales’’

Bien que les empreintes digitales aient une base génétique, leur formation est aussi influencée par des facteurs environnementaux in utero. Chaque jumeau a donc des empreintes digitales uniques. 

‘’Une connexion télépathique ou une « langue secrète » qu’eux seuls comprennent’’

Il n’y a aucune preuve scientifique de télépathie. Cependant les jumeaux partagent souvent un lien fort en raison de leur expérience unique. Quant à la langue secrète qualifiée de ‘’cryptophasie’’, c’est un phénomène rare chez les bébés jumeaux. Ce n’est pas magique, mais une forme de développement du langage spécifique qui disparaît généralement quand ils sont plus exposés au langage des adultes.

‘’Il y a toujours un dominant et un dominé’’

Chaque individu est unique, qu’il soit jumeau ou non. Les dynamiques de personnalité varient énormément. Si des rôles peuvent apparaître, ils ne sont pas innés ou figés et ne signifient pas une domination.

‘’Les jumeaux surtout les vrais, ont les mêmes capacités, ou les mêmes aptitudes et donc un destin lié’’ ou que ‘’Les jumeaux sont les deux faces de la même médaille et se complètent parfaitement dans la vie’’

Ces idées sont fausses et réductrices. Bien que les vrais jumeaux partagent le même ADN et puissent avoir des similitudes frappantes, chaque jumeau est un individu unique et a son propre chemin de vie. Leurs expériences, leurs choix et l’environnement influencent leurs capacités et leurs aptitudes de manière différente. Attendre qu’ils se complètent parfaitement peut même entraver leur épanouissement individuel. Chaque jumeau est une personne à part entière.

Propos recueillis par Ange M’poli M’TOAMA

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