Loîck SOGLO (Stag)

Le teint clair est devenu un idéal à atteindre pour certains jeunes. Ils font ce choix quitte à renier sa couleur naturelle. Aujourd’hui, de nombreux jeunes, en particulier des filles, aspirent à une peau plus claire, considérée comme plus belle, plus valorisée. Ce phénomène, de plus en plus visible sur les réseaux sociaux et dans les salons de beauté, traduit un mal-être plus profond, une quête d’acceptation dans une société où la peau noire semble être un handicap. Ce choix cache en réalité un mal-être plus profond. Sonia B est une étudiante en Linguistique. Elle a fait le choix de changer de teint et se confie avec honnêteté. « Je ne vais pas mentir, j’ai longtemps cru que ma peau était un handicap. Quand tu es foncée, on te dit que tu es jolie malgré tout. Comme si c’était une anomalie », confie-t-elle. Pendant presque deux ans, elle a utilisé des crèmes pour éclaircir sa peau. « Je voulais juste ce teint “caramel” qu’on voit partout. Mais ma peau a fini par s’abîmer, devenir sensible et pleine de taches. Malgré ça, j’avais peur de redevenir comme avant ». Derrière ces mots, on sent une douleur, une lutte avec soi-même pour répondre à des attentes imposées par la société.
Ce complexe ne touche pas que les filles. Les garçons aussi sont concernés, même s’ils en parlent moins. Kevin, 25 ans, étudiant en droit, partage son point de vue. « C’est triste que beaucoup ne s’acceptent pas. On grandit avec l’idée que plus tu es clair, plus tu as de la valeur. Moi, je préfère quelqu’un qui assume son identité. Le vrai problème, c’est que dans les pubs, à la télé, et même dans les familles, la peau claire est valorisée », estime le jeune homme. Il dénonce une pression sociale très forte, qui pousse certains jeunes à changer d’apparence pour se sentir acceptés.
À Godomey, un conducteur de taxi-moto de 38 ans observe ce changement avec inquiétude. Pour lui, les choses ont beaucoup évolué, et pas forcément dans le bon sens. « Avant, nos mères étaient fières de leur couleur de peau. Maintenant, les jeunes croient que la peau claire est la clé du succès. Elles oublient que ces produits détruisent le corps et parfois la tête aussi ». Il rappelle que les produits éclaircissants ne sont pas sans danger : ils abîment la peau, provoquent des allergies, et parfois des maladies graves. Solange, une femme retraitée, ajoute une dimension historique au problème. Elle a vu beaucoup de jeunes filles intelligentes détruire leur peau pour ressembler à un modèle venu d’ailleurs. « J’ai vu des jeunes filles brillantes se détruire pour ressembler à un idéal occidental. Ce n’est pas qu’une affaire d’esthétique, c’est un refus de soi. Tant qu’on ne valorisera pas nos critères de beauté, ce mal perdurera », martèle la mémé. Pour elle, ce rejet de soi vient de loin. À l’époque coloniale, la peau claire était vue comme supérieure, plus noble. Cet héritage continue de faire du mal aujourd’hui.
Le complexe de la peau foncée est donc alimenté par l’entourage, les publicités, les modèles sur les réseaux sociaux, les remarques en famille. C’est une pression constante qui fait croire aux jeunes qu’ils doivent changer pour être aimés, respectés ou avoir du succès. Cette idéologie du teint clair se glisse partout, même dans les discussions les plus simples. Annick, une autre jeune interrogée, résume ce mal-être avec une phrase simple et forte. « Quand tu passes ta jeunesse à vouloir être quelqu’un d’autre, tu te perds ». Aujourd’hui, il devient urgent de revaloriser la beauté noire. Il faut apprendre aux jeunes à s’aimer tels qu’ils sont, à voir leur couleur comme une richesse et non comme un défaut. La dépigmentation, loin d’être un simple choix esthétique, révèle un profond besoin d’acceptation et de reconnaissance.